Il s'agit d'une analyse très fine de la décision rendue en référé sur la fermeture de la Blogosphère des Avocats.
Note par
Albert CASTON Avocat au barreau de Paris, docteur en droit
Jurisprudence
AVOCAT
Blogosphère des avocats : mort sur ordonnance... 177c8
L’essentiel
Une ordonnance de référé a rejeté les demandes des avocats blogueurs concernant le maintien de la blogosphère des avocats, condamnant cette dernière à une mort prochaine, l’ancien comme le nouveau site demeurant inaccessibles dans les faits.
TGI Paris, ord. réf, 8 avr. 2014, no 14/52487, Mme K c/ Conseil national des barreaux
Le 8 avril 2014, une ordon- nance de référé déboutait des avocats blogueurs
de leurs demandes diri- gées contre le Conseil national des barreaux et qui
tendaient, pour l’essentiel, à obtenir le maintien de la blo- gosphère des avocats sur la plateforme « avocats.fr ». Les blogueurs ont décidé de faire appel.
Comment en est-on arrivé là ?
I. PETIT RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE AVANT DE RISQUER UNE DISCUSSION
En 2007, le CNB mettait à la disposition des avocats une plateforme leur permettant de créer des blogs et d’être ainsi présents sur la toile, afin notamment d’éviter que les particuliers, à la recherche d’informations fiables, n’aient pour seule réponse celles de braconniers du droit.
Cette initiative intelligente connut un succès important à l’époque. Mais quelques années plus tard (faute d’incita- tion maintenue par le CNB : autre temps, autres mœurs ou plutôt autre gouvernance...), le nombre effectif d’avo- cats blogueurs réellement actifs déclina, pour n’être plus – dit-on – que de 200 environ au début de l’année 2014, sans que – pour autant – les visiteurs (nombreux...), pro- fanes ou professionnels, fassent preuve de désaffection envers la blogosphère. Certains blogs recevaient même jusqu’à 1 000 visites par jour...
Dans le même temps, l’hébergeur (société Affinitiz) fit publiquement connaître sa situation de déficit financier et la fermeture de sa plateforme « grand public » pour le 30 avril 2014, ce que les avocats blogueurs n’apprirent qu’incidemment.
La suite des évènements révéla aux mêmes avocats blogueurs que le CNB avait, en mars 2013, résilié – sans avertir les utilisateurs –, pour le 31 mars 2014, le contrat le liant à l’hébergeur ; il était prétendu que dépenser annuel- lement 55 000 € pour les besoins de 200 avocats devenait frustratoire, alors que le CNB, censé pourtant représenter les 65 000 avocats de France, n’avait jamais reçu de pro- testations à ce sujet de la part d’avocats non-blogueurs. Interpellés à ce propos, certains représentants autorisés du CNB firent en outre savoir que cette plateforme n’avait pas vocation à demeurer sans limite de durée.
Devant l’émotion provoquée par cette annonce et les protestations exprimées sur divers médias, notamment sociaux (un compte Twitter ayant même été créé à cette
fin), le CNB, par un communiqué du 21 février 2014, fit no- tamment savoir que la fermeture de plateforme annoncée par Affinitiz concernait « uniquement la plateforme grand public et non la blogosphère « avocat.fr » qui bénéficie d’un hébergement distinct » et que, pour sa part, il « veil- lera néanmoins à assurer la récupération de l’intégralité des données (profils, publications, commentaires...) en application de l’article 11 des conditions générales d’utilisation ».
Le 3 mars 2014, il informait ses « confrères utilisateurs » de ce qu’outre « la récupération de l’intégralité des don- nées publiées par chacune et chacun d’entre vous », il avait demandé à ses services « d’élaborer une nouvelle solution technique », qui « permettra tout à la fois :
– d’assurer l’hébergement de l’ensemble des blogs sur une plateforme unique, placée sous le contrôle de la profession ;
– et de maintenir le référencement acquis par chaque blog au moyen d’un dispositif de redirection des adresses ».
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mais observe qu’il en ”
L’ordonnance ne constate pas le respect des engagements du CNB,
a pris, ce qui est différent
rs n’était cependant pas apaisée pour autant. De ce fait, par acte du 7 mars 2014, l’une d’eux faisait assigner, d’heure à heure, le CNB, sur le fondement de l’article 809, alinéa 1er du Code de procédure civile, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour, à titre principal, voir ordonné le maintien de la blogosphère des avocats sur la plateforme avocats.fr, gérée par le Conseil national des barreaux et
hébergée par la société Affinitiz.
D’autres avocats formulaient alors, par conclusions d’intervention principale, des demandes similaires (de maintien jusqu’au 30 juin 2014) ou complémentaires, telles que de dire que « la fermeture de la blogosphère ne pourra intervenir qu’à l’issue de la migration fructueuse et cohérente de son blog, sur la nouvelle plateforme qu’il aura choisie ».
Le 22 mars 2014, le CNB annonçait :
– garantir que « les données des avocats titulaires d’un blog seraient intégralement récupérées et restituées aux utilisateurs dans leur format permettant leur migration
L’inquiétude des avocats blogueu
vers une autre plateforme au plus tard le 31 mars 2014 » (souligné par nous) ;
– « la récupération intégrale des contenus des blogs et leur hébergement sur cette nouvelle plateforme » (sou- ligné par nous) ;
– « le maintien du référencement acquis par chaque blog au moyen d’un dispositif de redirection des adresses URL » (souligné par nous).
Par courriel du 4 avril 2014, l’avocat du CNB indiquait au juge des référés que « la nouvelle plateforme « blogavo- cat.fr » avait été ouverte le 31 mars 2014 ; que cependant des difficultés techniques ont retardé la migration de l’en- semble des blogs et que la mise en ligne définitive était reportée au 7 avril 2014 ».
C’est dans ces conditions qu’est intervenue l’ordonnance de référé, rendue le 8 avril 2014, dont le dispositif :
– donne acte au demandeur principal de son désistement d’instance et d’action ;
– constate « que le CNB a pris l’engagement de prendre tout moyen afin d’assurer la préservation de l’intégralité des contenus des blogs créés sur la plateforme initiale- ment mise en place et de permettre leur restitution sous forme d’un fichier exploitable, et par ailleurs de proposer une nouvelle plateforme dédiée à l’adresse « blogavocat. fr » ouverte à tout avocat intéressé, sur laquelle la migra- tion est prévue » ;
–dit « n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes ».
Pour statuer ainsi, le magistrat a notamment relevé que :
– d’après les termes des conditions d’utilisation du site initial, « la responsabilité du Conseil national des barreaux ne pourrait être engagée (...) du fait de la perte (...) de don- nées ou informations stockées sur le service, ni du fait de dommages indirects, l’ensemble des utilisateurs étant par ailleurs invité à conserver une copie de sauvegarde de toutes les données et contenus stockées sur le service » ;
– « Cependant, la présente juridiction, qui tire ses pouvoirs des dispositions de l’article 809, alinéa 1 du Code civil ne peut enjoindre au CNB de maintenir un contrat souscrit avec la société Affinitiz et de préserver en l’état l’ensemble des services offerts, dès lors que le dommage invoqué et le péril imminent allégué ne présentent pas les caractères d’un dommage ou d’un péril imminent illicites. »
« En effet, si, en mettant à la disposition de l’ensemble des avocats un accès facilité à une technologie de com- munication permettant à la profession de s’exprimer sur l’internet, le CNB a nécessairement pris l’engagement moral tacite, en cas de changement de prestataire ou de suppression de ce service, d’assurer, dans toute la me- sure du possible, la préservation des contenus constitués pendant la période d’utilisation de la plateforme initiale, il n’est pas contestable qu’il ne rentre pas dans sa mis- sion propre d’exploiter un site de création de blogs ou de contracter avec un prestataire technique au nom des avo- cats à cette fin. »
« Par ailleurs, aucune convention ne lie le CNB aux avocats ayant créé un blog hébergé sur la plateforme litigieuse et les conditions d’utilisation prévoient expressément une clause de non responsabilité s’agissant de la sauvegarde des contenus des blogs. »
« Enfin, la décision prise par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux le 22 mars 2014 ne peut s’analyser en une obligation unilatérale de résul- tat dont les intervenants volontaires pourraient exiger l’exécution. »
« Dans ces conditions, il convient de constater que le CNB a pris l’engagement de prendre tout moyen afin « d’assu- rer la préservation de l’intégralité des contenus des blogs créés sur la plateforme initialement mise en place et de permettre leur restitution sous forme d’un fichier exploi- table, et par ailleurs de proposer une nouvelle plate-forme dédiée à l’adresse « blogavocat.fr » ouverte à tout avocat intéressé, sur laquelle la migration des blogs est prévue ».
II. ESQUISSE DE DISCUSSION
Dans les faits, la migration n’a jamais donné de résultats satisfaisants puisque, tant avant le prononcé de la décision qu’à sa date, et même ensuite :
– la plateforme a été fermée pendant plusieurs jours, après des pannes récurrentes, messages d’erreur ou en- chevêtrement des fichiers des divers blogueurs, jetés au hasard dans les nouveaux blogs, perte de photos, vidéos, sons, etc. ;
– elle est inaccessible depuis le 9 avril, pour cause de maintenance, car « la plateforme blogavocat.fr rencontre actuellement des dysfonctionnements résultant d’actes de malveillance externe » (sic...).
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le site ainsi aménagé par le CNB,”
On ne peut sérieusement dénier que, par leur ouverture d’un blog sur
une relation contractuelle s’est établie
Le CNB fait même maintenant valoir, dans un communi- qué du 9 avril, que « la présidente du TGI de Paris, dans son ordonnance de référé du 8 avril dernier, avait constaté le respect de ses engagements par le Conseil national des barreaux ». Or, l’ordonnance ne constate pas le respect des engagements du CNB, mais observe qu’il en a pris, ce qui est différent. En effet, il ne suffit pas de promettre pour tenir et – précisément – actuellement, les engagements en question ne sont toujours pas tenus...
Au-delà de cette remarque, il nous apparaît, contraire- ment à l’appréciation du premier juge, que les dispositions de l’article 809, alinéa 1er du Code de procédure civile com- mandent qu’il soit fait droit à la demande de maintien de la blogosphère des avocats sur la plateforme avocats.fr, gérée par le Conseil national des barreaux et hébergée par la société Affinitiz.
En effet, tout d’abord, l’existence d’une clause de non- responsabilité du CNB ne constitue, dans le strict cadre dudit article 809, alinéa 1er, qu’un élément de contestation sérieuse, et donc, comme tel, insusceptible d’interdire la prescription en référé des mesures conservatoires s’imposant pour prévenir un dommage imminent, puisque le texte dispose que « le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
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Jurisprudence

Jurisprudence
Quant à la fermeture annoncée de la plateforme Affinitiz et l’annonce précédente, par le CNB (le 21 février 2014) de sa propre décision de « mettre fin à cet hébergement à échéance du 31 mars prochain », elles font plus que carac- tériser l’existence d’un préjudice imminent. Ce dommage est en effet, en partie, déjà réalisé, car les données des blogueurs ne sont toujours pas restituées à leurs proprié- taires, ni complètement transférées dans le cadre de la migration, migration au demeurant complètement ratée, et ce quoique l’ancien site soit maintenu ouvert, mais en lecture seule, ce qui laisse encore espérer une pos- sibilité de préservation des contenus, mais sous réserve précisément que soit ordonné en urgence (à Affinitiz) le maintien de l’ancienne plateforme et (au CNB) celui de l’hébergement.
Il est, à cet égard, de jurisprudence abondante et constante que le magistrat des référés peut adopter « comme me- sure conservatoire la poursuite des effets du contrat, fût-il dénoncé » (1), sous condition de « fixer un terme certain à la mesure » (2) ordonnée (3).
Dans ce même cadre, est totalement inopérant l’argu- ment selon lequel il n’entre « pas dans la mission du CNB d’exploiter un site de création de blog », alors qu’il ne s’agit que d’obtenir de lui que, pour éviter le dommage im- minent résultant de la perte des données des blogueurs, il ne ferme pas l’ancien hébergement, ce qui interdirait au demeurant toute comparaison entre le site ancien et le nouveau, pour vérification de l’exact transfert des don- nées, vérification en outre impossible, compte tenu, tant de l’actuelle fermeture du nouveau site, que de l’état d’inacceptable confusion que ce dernier offrait à l’époque où il se trouvait encore (rarement) consultable.
Quant à la décision du 22 mars 2014 du CNB, l’ordonnance en dénature les termes et la portée lorsqu’elle indique qu’elle « ne peut s’analyser en une obligation unilatérale de résultat dont les intervenants volontaires pourraient exiger l’exécution ». En effet, il s’agit d’un engagement clair et précis (encore inexécuté) de :
– garantir que « les données des avocats titulaires d’un blog seraient intégralement récupérées et restituées aux utilisateurs dans leur format permettant leur migration vers une autre plateforme au plus tard le 31 mars 2014 »,
– « ... récupération intégrale des contenus des blogs et leur hébergement sur cette nouvelle plateforme »,
– « ... maintien du référencement acquis par chaque blog au moyen d’un dispositif de redirection des adresses URL »
On ne voit donc absolument pas pourquoi ceux au profit desquels un tel engagement a été stipulé ne pourraient en revendiquer le bénéfice ! Il est vrai que la décision analysée avait également cru pouvoir observer que l’engagement du CNB de préservation des contenus ne valait que « dans toute la mesure du possible », réserve qui ne figure nulle- ment dans celui-ci. Faut-il rappeler que cet engagement a été pris par des avocats, ayant – par définition – parfaite
(1) Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 99-18576.
(2) Ibid.
(3) Dans le même sens : Cass. com., 3 mai 2012, n° 10-28366, et plus récemment
encore : Cass. 2e civ., 6 févr. 2014, n° 13-14084.
conscience de la portée de propos dont les termes ont tou- jours été libellés avec une particulière attention, de telle sorte qu’ils n’avaient nul besoin du secours du juge pour en limiter les conséquences ?
Au demeurant, on ne peut sérieusement dénier que, par leur ouverture d’un blog sur le site ainsi aménagé par le CNB, une relation contractuelle s’est établie, avec les engagements réciproques décrits par les « conditions gé- nérales » d’adhésion. Et c’est dans ce même cadre et sous une forme identique que le CNB a exprimé, au bénéfice de ses « confrères utilisateurs » des engagements divers, notamment de préservation de données, engagements qui s’imposent à lui et dont les bénéficiaires sont en droit de se prévaloir.
L’application de l’article 809, alinéa 1er s’impose donc à ce titre également pour faire cesser le trouble manifeste- ment illicite résultant du non-respect dudit engagement.
On notera d’ailleurs, sur cette notion d’illicéité, que l’or- donnance est entachée d’une erreur de droit lorsqu’elle exige (p. 8, al. 1er) « que le dommage invoqué et le péril imminent allégué (...) présentent (...) les caractères d’un dommage ou d’un péril imminent illicites ». En effet, la lettre et l’esprit de cette disposition imposent de considé- rer que, soit le dommage est imminent (il y a alors urgence à le prévenir), soit le trouble est manifestement illicite (il y a alors absence de contestation sérieuse sur la nécessité d’y remédier), mais le dommage à prévenir n’a nul besoin d’être lui-même illicite (4).
Et il est indéniable que l’on est maintenant dans cette alternative, car les engagements ainsi pris par le CNB cor- respondent, dans un tel cadre confraternel, à l’expression d’une obligation matérielle et morale, dont la violation est illicite, dès lors que cet engagement spontané et public constitue la loi des parties.
De ce point de vue aussi, l’ordonnance entreprise est en état d’infirmation.
Au travers de tout cela, il est permis de constater, à en lire le dispositif, que l’ordonnance a fort entendu le propos du CNB, qui s’étonnait oralement à l’audience de ce qu’on ne lui fît pas confiance, puisque l’élément déterminant de la décision analysée se résume au fait que l’engagement pris par le CNB suffirait à supprimer tout risque de dom- mage. Or, tout montre au contraire que :
– le dommage est plus qu’imminent ;
– et surtout, il ne suffit pas de promettre pour que l’on puisse estimer que l’objet de la promesse a été exécuté (surtout lorsque – quelle que soit la portée de cette pro- messe – les avocats blogueurs sont actuellement face au néant total d’un nouveau site inaccessible, car en mainte- nance, et d’un ancien également inaccessible, mais pour cause de migration vers le nouveau !).
À suivre la décision commentée, on ne peut qu’y voir la chronique annoncée d’une mort de la blogosphère des avocats... sur ordonnance.
(4) J. Héron et T. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. Montchrestien, coll. Précis Domat, 2012, 5e éd., n° 421et s.
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Jurisprudence
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il ressort des pièces produites et des explications fournies que le CNB a décidé de mettre à la disposition de tout avocat inscrit auprès d’un barreau français, à partir du 1er novembre 2007, l’accès à un service de création de blogs dédié aux avocats, accessible à l’adresse « avocats.fr », et il a conclu à cet effet un contrat d’hébergement avec la société Affinitiz, donnant la possibilité, à titre gratuit, à chaque avocat le souhaitant d’utiliser ces fonctionnalités pour créer son blog.
Selon les conditions d’utilisation du service de création de blogs offert sur le site avocats.fr (pièce n° 8 de la demanderesse), que tout utilisateur s’engageait à respecter, il était notamment indiqué que « la responsabilité du Conseil national des barreaux ne pourrait être engagée (...) du fait de la perte (...) de données ou informations stockées sur le Service, ni du fait de dommages indirects, l’ensemble des utilisateurs étant par ailleurs invité à conserver une copie de sauvegarde de toutes les données et contenus stockés sur le Service ».
Par décision communiquée à l’assemblée générale du CNB des 22 et 23 mars 2013, le bureau du CNB a décidé de mettre fin au contrat la liant à la société Affinitiz, ce qui entraînait la suppression de la plate-forme accessible à l’adresse « avocats.fr », à compter du 31 mars 2014.
Par courriers des 20 février et 3 mars 2014, le président du CNB s’adressait aux utilisateurs de la blogosphère précisant que le CNB veillera à « assurer la récupération de l’intégralité des données (profils, publications, commentaires) qui seront restituées à chaque utilisateur sous un format permettant la migration du contenu du blog » vers une autre plate-forme d’hébergement.
À la suite des interventions de plusieurs blogueurs inquiets des conséquences de cette décision sur la conservation des contenus de leurs blogs et de divers échanges notamment à l’occasion de cette instance, le CNB a décidé suivant délibération adoptée par l’assemblée générale le 22 mars 2014, l’ouverture d’une nouvelle plate-forme gratuite pour les avocats à l’adresse « blogavocat.fr » placée sous l’égide du CNB, la récupération intégrale des contenus des blogs et leur hébergement sur cette nouvelle plate-forme, ainsi que le maintien du référencement acquis par chaque blog, au moyen d’un dispositif de redirection des adresses URL et la possibilité dans les conditions précisées de faire le choix de demander la suppression de leur blog.
Divers problèmes techniques ont retardé la migration de l’intégralité des contenus des blogs sur la nouvelle plate- forme de sorte qu’à la date du prononcé de la présente décision, il apparaît que malgré les efforts entrepris, les blogs des avocats ayant souhaité poursuivre leur publication sur un blog accessible à l’adresse www.blogavo.fr en sont empêchés et que les internautes désirant s’y reporter et prendre connaissance de leur contenu ne peuvent y accéder.
Par ailleurs, il n’est pas possible pour les avocats ayant possédé un blog sur l’ancienne plate-forme de s’assurer de l’intégrale conservation de son contenu.
Les intervenants volontaires soutiennent que ces difficultés et le retard constaté dans la mise en place de la nouvelle plate-forme, qui leur causent d’ores et déjà un préjudice dans la mesure où les blogs ne sont pas accessibles ni par eux ni par les internautes susceptibles de les fréquenter, ce qui peut entraîner une perte de visibilité voire de clientèle potentielle, justifient que soit ordonné au CNB de maintenir l’ancienne plate-forme jusqu’au 30 juin 2014.
Cependant la présente juridiction, qui tire ses pouvoirs des dispositions de l’article 809 alinéa 1 du Code civil ne peut enjoindre au CNB de maintenir un contrat souscrit avec la société Affinitiz et de préserver en l’état l’ensemble des services offerts, dès lors que le dommage invoqué et le péril imminent allégué ne présentent pas les caractères d’un dommage ou d’un péril imminent illicites.
En effet, si, en mettant à la disposition de l’ensemble des avocats un accès facilité à une technologie de communication permettant à la profession de s’exprimer sur l’internet, le CNB a nécessairement pris l’engagement moral tacite, en cas de changement de prestataire ou de suppression de ce service, d’assurer, dans toute la mesure du possible, la préservation des contenus constitués pendant la période d’utilisation de la plateforme initiale, il n’est pas contestable qu’il ne rentre pas dans sa mission propre d’exploiter un site de création de blogs ou de contracter avec un prestataire technique au nom des avocats à cette fin.
Par ailleurs aucune convention ne lie le CNB aux avocats ayant créé un blog hébergé sur la plate-forme litigieuse et les conditions d’utilisation prévoient expressément une clause de non responsabilité s’agissant de la sauvegarde des contenus des blogs.
Enfin, la décision prise par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux le 22 mars 2014 ne peut s’analyser en une obligation unilatérale de résultat dont les intervenants volontaires pourraient exiger l’exécution.
Dans ces conditions, il convient de constater que le CNB a pris l’engagement de prendre tout moyen afin d’assurer la préservation de l’intégralité des contenus des blogs créés sur la plate-forme initialement mise en place et de permettre
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leur restitution sous forme d’un fichier exploitable, et par ailleurs de proposer une nouvelle plate-forme dédiée à l’adresse « blogavocat.fr » ouverte à tout avocat intéressé, sur laquelle la migration des blogs est prévue.
Pour le surplus, il n’y a pas lieu à référé.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort ,
Recevons les interventions volontaires ;
Donnons acte à Mme K de son désistement d’instance et d’action ;
Constatons que le CNB a pris l’engagement de prendre tout moyen afin d’assurer la préservation de l’intégralité des
contenus des blogs créés sur la plate-forme initialement mise en place et de permettre leur restitution sous forme d’un fichier exploitable, et par ailleurs de proposer une nouvelle plate-forme dédiée à l’adresse « blogavocat.fr » ouverte à tout avocat intéressé, sur laquelle la migration des blogs est prévue.
Disons n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.
Laissons les dépens à la charge de la demanderesse et des intervenants volontaires.
Fait à Paris le 08 avril 2014
Le Greffier, Le Président, Lucille WOLFF Magali BOUVIER
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